le e-commerce peut-il être écolo-compatible ?

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Développement Durable Marketing Digital

En cette période de « ralentissement sanitaire », qui interroge tant sur la disponibilité de nos ressources que sur nos besoins et usages, quelques éléments de réflexion sur l’e-commerce.

Fort utile pour maintenir un contact commercial en « distanciation sociale», son coût environnemental (et donc infailliblement économique – pour le tissu local – et donc encore plus certainement sociétal et sanitaire, ici et là-bas dans le village global) présente de nombreux points noirs, menaces d’aggravement de la crise climatique et de la biodiversité.

Coût carbone: attention, ça va chauffer !

Déconnecté du lien humain direct de l’acte de vente, et de l’opportunité pour l’acheteur d’essayer un produit ou recueillir des conseils en magasin, l’e-commerce a développé des stratégies de vitesse de livraison, de gratuité du transport, de retour facilité des marchandises.

– Il induit donc un surcroit de flux logistiques par manque de consolidation des expéditions (kilométrage augmenté, depuis les plateformes de stockage jusque chez chaque client individuel, plutôt que réparti en dégroupage).
– Sur des modes de transport sous-utilisés (camionnettes partant avec 1/10ème du volume occupé pour assurer les délais).
– Avec une augmentation notable du trafic cargo aérien : une société de vêtements « classique » en fast-fashion gère son stock depuis des entrepôts uniques par continents et ses approvisionnements de magasins de façon régulière par camions depuis ces hubs. En revanche, des achats en ligne seront envoyés en fret aérien sur l’aéroport le plus proche de l’acheteur avec un dernier kilomètre par route en véhicule au remplissage faible, vous savez, ce dernier kilomètre si polluant, la camionnette garée en double file, le moteur qui tourne… En multipliant le facteur d’émission de gas à effet de serre par un facteur d’environ 80, le transport aérien peut ainsi faire doubler voire tripler le poids carbone d’un objet peut ainsi doubler voire tripler (selon son poids carbone initial, la distance parcourue…).
– Avec des partenaires parfois non éco-responsables : les organisations visant la neutralité carbone (comme La Poste) ne sont pas nécessairement retenues par certains sites d’e-commerce, leur politique anti-gaspillage énergétique de remplissage des véhicules de livraison ne convenant pas à ces sites qui souhaitent des transports instantanés.

Les dépenses « économisées » par l’absence de magasins cachent des coûts digitaux masqués important :

– La plateforme d’achat a tendance a être surdimensionnée pour pouvoir absorber des pics de trafic type Black Friday….
– L’interface client va recourir à l’envoi de nombreux mails, chaque mail «coutant » en moyenne 4gr CO2 (1), le coût de ces « notifications » s’alourdit vite…
– Dépense électrique coté consommateur : le lèche-vitrine en ligne étant autant de kWh et donc de CO2 qui tournent, autant d’amortissement d’équipements électroniques à imputer à l’achat…
– Les données vont être stockées, nouveau coût bien réel de dépenses énergétiques et de lieu de stockage physique aux coûts environnementaux (carbone, emprise sur des sols agricoles…) qui s’additionnent.

L’achat étant expédié individuellement, achat souvent diffus et de poids faible (la moyenne des achats étant compris entre 1 et 2 kg, pour, en moyenne, 1,5 pièces achetées) devra être sur-emballé pour assurer sa tenue parfaite durant ce parcours logistique périlleux, et pour minimiser les risques de retour :

– Un article textile par exemple, emballé sous plastique en usine, est habituellement déballé en magasin et mis sur cintre. Dans le cas d’un stockage en plateforme pour expédition, il sera déballé, puis remballé, et expédié avec un filler, au mieux carton au pire en papier bulle.
– Le suremballage pour un produit cosmétique e-livré pourra ainsi atteindre 10 fois le volume du produit et de son packaging secondaire.
– Bien qu’en carton, la boite de livraison du colis, lourdement scotchée pour sa fermeture et ses documents d’expédition, eux-même sous poche plastique, perdra sa recyclabilité d’origine (à moins d’un déploiement de patience chez l’acheteur pour arracher ce qui recouvre le carton, acte de bravoure chronophage inenvisageable en période hors confinement), contrairement aux cartons utilisés en B2B au long de la chaine d’approvisionnement des magasins, qui sont, eux, recyclés à 100% sur la filière.

Beaucoup de pertes en ligne

Le taux de retour (retour souvent proposé gratuitement, donc bien tentant pour l’acheteur) peut atteindre 40% à 50% des ventes :

– faisant doubler, à nouveau, l’empreinte carbone liée au transport,
– mais aussi le suremballage (le colis de retour)
– et générant des déchets (neufs) : la réintroduction des biens retournés dans les stocks coûtant cher en temps et main-d’œuvre, le produit neuf sera dans bien des cas jeté ou recyclé (certaines grosses plateformes d’e-commerce jetait jusque récemment l’ensemble des biens retournés, ne vérifiant que… le poids du colis).

En bref, avec une paire de jumelle durabilité moyen terme, qui va tendre à devenir la paire de lunette de vue de toute personne sensée à mesure que les dangers vont continuer de s’approcher sous notre nez, on voit :
Dans l’œil droit : augmentation des combustions d’énergie fossiles : l’e-commerce n’aime donc pas le climat.
Et dans l’œil gauche : dépense de matières premières, gaspillage de biens neufs, génération de déchets…
Hum, l’e-commerce n’aime pas non plus beaucoup l’économie circulaire.

Un outil utile donc… mais loin d’être vert. De quoi réfléchir à des stratégies à impact plus doux, peut-être plus lents, mais plus sûrs !

Quelques pistes à suivre pour alléger le poids du e-commerce :

  • Politique générale : engagez vous avec une politique de jours de livraison, groupage d’envoi, pour éviter les retours, décrivez au mieux les produits ou favorisez » les retours localement ( magasins ou associations…), recours aux points relais, partenariats avec des livraisons vélo…
  • Emballages : opter pour des boites réutilisables ou ajustée au plus près de la taille de l’expédition. Optez pour des fillers en carton recyclé.
  • Transports : Choisissez des transporteurs ayant une charte d’éco-responsabilité (ex : La Poste qui compense ses émissions et éco-conduit ses véhicules).
  • Déchets : Engagez-vous par un « zéro déchet retour », et réintroduisez dans vos stocks ou donnez les biens retournés.
  • Digital : faites appel à des experts du web engagés qui proposeront des versions plus économes

 

Catherine Touzard Consultante & Formatrice en Economie Circulaire/ Développement Durable
www.circularhk.com

 

(1) source: Futura Science https://www.futura-sciences.com/planete/questions-reponses/eco-consommation-empreinte-carbone-e-mail-10840/), pour une distance moyenne parcourue par mail de 15.000km.

2 réponses pour le e-commerce peut-il être écolo-compatible ?

  1. Suite à la lecture de cet article les élèves de Master d’Audencia Programme Grande Ecole – Spécialisation Managing for Sustainable Impact ont listé quelques propositions pour diminuer le poids environnemental du e-commerce :

    Designer une plateforme éco-responsable: sans stockage d’informations inutiles, sans relances par email, avec de bonnes fiches descriptives des produits (pour éviter les retours) mais sans par exemple de vidéos, gourmandes en énergie de stockage et visionnage. opter pour des plateforme à hébergement local/national, avec des systèmes de refroidissement passifs et/ou sur énergie verte. Ne choisir des plateformes de vente groupées (si le site n’est pas dédié à la marque) éthique, comme WeDressFair, Dream Act, qui n’ont pas fait l’objet d’interdictions notamment pour enfreintes aux règles sociales et sanitaires, et qui ont des politiques environnementales.

    Lancer des défis écolos aux consommateurs: grouper des achats sur des points-relais, Passer moins de temps à faire du “lèche-vitrine digital” (avoir par exemple un numéro de conseiller/ère commercial sur ligne fixe pour les questions précises, plutôt que la lecture trop longue des pages web). Donner le choix des délais de livraison en indiquant le cout carbone de chaque option pour encourager les livraisons en logistique responsable et compensée carbone (La Poste, UrbanHub,…).Faire payer les retours en annonçant le coût environnemental réel du renvoi d’un achat. Proposer des points relais “retour” où les biens non vendus sont proposés en discount pour éviter le gaspillage.

    Repenser les packagings primaires légers, renouvelables et recyclables (ex: 100% kraft recyclé) mais aussi adapté à a la forme de l’envoi pour éviter de faire “voyager du vide”. pourquoi pas développer des boites, avec consigne ou prix d’achat, réutilisable 100% (cf exemple de RePack).

    Avoir une politique gagnant-gagnant avec les réseaux habituels de distribution en magasin, notamment les circuits courts: ils maintiennent l’emploi, le lien social et permettent de développer une connaissance des produits et un accompagnement à la vente. Proposer une option magasin selon la géolocalisation de l’acheteur.

    S’interdire le transport aérien, et pourquoi pas limiter le périmètre géographique de ventes pour encourager le local.

    Mariska, Mathilde, Capucine, Lucas et Joséphine
    Audencia Programme Grande Ecole – Spécialisation Managing for Sustainable Impact