Quels enseignements tirer de ce confinement ?

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Interview Stratégie de marque

Regards croisés de Christele Gravoille et d’Alexandre Durand sur l’expérience de confinement subi et sur les rebonds possibles à la sortie de ce tunnel.

Article co écrit avec Christele Gravoille.
Christele accompagne les TPE et PME dans l’amélioration de leur performance et la conduite du changement, à travers l’accompagnement des Hommes et la proposition d’actions et d’outils d’amélioration. Elle est également formatrice en entreprise, et intervient dans des écoles de Management, en formation continue.
Merci à Vincent Lefèvre de Resurgo de nous avoir présenté et ainsi nous avoir permis d’échanger sur un sujet d’actualité qui concerne autant les dirigeants d’entreprises que les responsables marketing et communication.

Alexandre Durand

Consultant et créatif pour Pareidolies et co-fondateur du blog direction-marketing

AD : En ce temps de confinement nous prenons régulièrement des nouvelles de nos clients, confrères et partenaires, et ce tour de table m’amène à faire un constat que je souhaite vous partager.

Il m’apparaît que les acteurs les plus durement touchés par la baisse d’activité sont ceux qui exerçaient dans un seul domaine ou sur un seul marché. A l’inverse, les sociétés ou consultants polyvalents arrivent bien souvent à maintenir une part de production.
Par exemple les entreprises agroalimentaires s’adressant uniquement au réseau CHR (Cafés-Hôtels- Restaurant) sont à l’arrêt alors que des sociétés « multicanal » se réorientent vers d’autres portes restées ouvertes, d’autres circuits de distribution : export (vers les pays non confinés), vente en ligne, magasin d’usine en drive…
Je m’aventure à faire le parallèle avec l’agriculteur qui pour des raisons de rentabilité à opté pour la monoculture et se trouve confronté à un fléau qui touche son unique production versus les défenseurs de polycultures par définition moins fragiles car plus équilibrées.

Certains font le dos rond en attendant que ça passe, mais j’observe également chez beaucoup, une certaine émulation pour trouver de nouvelles façons de travailler.
Un ami coach témoignait qu’en début d’année il était encore assez réfractaire au coaching en ligne et qu’en à peine 15 jours il avait mis en place des échanges par visio pour soutenir les cadres soignants et pour certains sujets pouvant se prêter à l’exercice. Un bel exemple d’agilité face aux difficultés.

Chez bon nombre d’entre nous, la question se pose sur les répercussions de cette crise sur nos activités à venir. Les optimistes pensent que rien ne sera plus pareil (ce sera mieux demain), les sceptiques pensent que l’humain n’apprend pas de ses erreurs et qu’on retombera vite dans nos travers.

Il me semble donc important de ne pas louper cette occasion dans les semaines qui viennent, de réfléchir aux changements à mettre en place, aux chantiers à lancer. J’invite tous les chefs d’entreprises à débriefer avec leurs équipes, collecter les idées que chacun a pu avoir lors de cette période de télétravail ou de chômage partiel. Il y a sûrement des pistes d’optimisation de l’organisation, des idées de nouveaux produits / services à proposer, de nouveaux procédés de fabrication, de nouveaux marchés, de nouveaux circuits de distribution …
Ne passez pas à côté de la chance d’évoluer, de vous adapter aux changements pour que cette crise sanitaire soit le déclencheur de prises de décisions qui vous permettront d’être mieux armés demain en cas de nouvelles crises.
Je ne suis pas sûr que ce qui ne vous tue pas vous rende plus fort, cette crise aura été trop cruelle pour certaines sociétés comme pour certaines familles, mais pour ceux qui se relèvent voyons aussi ce qu’on peut en apprendre.

Cela passe par l’écoute, le partage, l’entraide, l’imagination, des leviers forts du management ! Je crois profondément à l’intelligence collective, les idées pour se renforcer viendront du collectif, de l’ouverture à d’autres points de vue de coachs, de designers, d’échanges avec nos confrères…
Pour relever les équipes, redéfinir le sens de notre travail, rappeler en interne comme en externe la mission que notre entreprise et notre marque s’est assignée.

Je tends la main à tous ceux qui souhaitent réfléchir sur les possibilités d’extension de territoire de leur marque, c’est le moment de se repositionner, de repréciser le cadre et de se projeter pour un avenir plus souriant.

A.D.

Christele Gravoille

Fondatrice de Vaerdi Conseil.

CG : Oui, c’est bien le moment ! c’est à la sortie des grandes crises que des avancées ont pu se faire (cf Conseil National de la Résistance). La crise sanitaire que nous vivons marque une rupture propice à la mise en œuvre de changements. La sortie de crise est un moment opportun pour générer de l’innovation dans les pratiques, et pour construire une nouvelle dynamique de performance pour les entreprises.

C’est le moment idéal pour les dirigeants, et pour tous les managers, de se mettre dans une posture d’écoute, et de faire appel à l’intelligence collective afin de réfléchir ensemble à la construction d’un nouvel avenir.

Réaliser un retour d’expérience, écouter les collaborateurs et recueillir leurs idées est souvent porteur de propositions de bon sens, et apporte une reconnaissance aux collaborateurs auxquels on porte de l’attention. Toutefois, lancer ce type de démarche suscite une attente des collaborateurs, et peut générer des frustrations si leurs idées ne sont pas mises en œuvre, il est donc essentiel que cette démarche ne soit pas déployée de manière impulsive, mais qu’elle soit construite de manière réfléchie.

Le recueil d’idées peut se faire sous différentes formes, telles que les boites à idées, les questionnaires, les ateliers de réflexion/discussion…

Focalisons-nous sur ces ateliers, véritables lieux d’échanges qui favorisent l’émergence d’idées nouvelles. Afin que l’expérience soit positive pour les dirigeants et les collaborateurs, celle-ci doit être préparée, et respecter quelques étapes essentielles.
Nous vous proposons ci-dessous quelques points clés pour un bon déroulement de cette démarche :

  1. Bien poser l’objectif et le cadre de la démarche, les communiquer, et s’assurer de leur bonne compréhension.
  2. Déterminer qui pourra participer à la démarche : tous les collaborateurs ? sur la base du volontariat ? certains collaborateurs représentatifs de chaque service ? nombre de collaborateurs par sessions ? Là aussi, il s’agira de bien expliquer ce choix pour ne pas créer de frustrations si tout le monde ne peut pas participer à l’atelier.
  3. Prévoir qui animera la démarche : un pilote en interne, un animateur extérieur à l’entreprise ?
  4. Organiser le déroulement et l’animation des ateliers : outils de réflexion, déroulement des échanges, matériel, lieu ….
  5. Etablir un planning : date et durée des sessions de recueil des idées, planning de restitution de la synthèse aux collaborateurs, et planning de déploiement d’un plan d’actions.
  6. Préparer une synthèse des idées recueillies et des préconisations générales d’action, et la communiquer à l’ensemble des collaborateurs (présentation orale ? synthèse écrite ?)
  7. Travailler avec les collaborateurs à la mise en œuvre d’un plan d’actions détaillé et les intégrer à son déploiement

La démarche nécessite globalement une communication bien préparée et diffusée à un rythme adapté, ainsi qu’une réelle volonté de déployer un plan d’actions qui sera porteur d’effets. Certes, toutes les idées recueillies ne peuvent pas être appliquées, mais il appartient au dirigeant d’en expliquer la raison, afin de limiter les frustrations.

La mise en œuvre de ce retour d’expérience sera la traduction d’une capacité d’agilité du dirigeant, et permettra de donner un nouveau souffle, de nouvelles perspectives tout en renforçant l’esprit d’équipe, et cette idée que chacun peut contribuer individuellement à l’évolution de l’entreprise en partageant ses idées.

Certains entrepreneurs ont fait preuve d’une grande agilité, pour déployer de nouvelles activités pendant la crise sanitaire. En complément de l’exemple d’Alexandre, je peux témoigner de l’agilité d’une entreprise de confection d’ameublement en petite série (Michel Viaud), et qui s’est reconvertie à la fabrication de masques en tissu, en grande série. La difficulté d’approvisionnement de matière, ainsi que le mode de fonctionnement pour s’adapter à une production de série ont nécessité de réels talents d’adaptations pour répondre à un besoin soudain, dans des délais courts.
Sans un fort esprit d’équipe, le challenge n’aurait pas été réalisable.

Continuer à surfer sur cette vague porteuse de sens donnera une dimension nouvelle à cette entreprise, comme à toutes celles qui ont su s’adapter ou qui décideront de considérer cette crise non comme un fardeau, mais comme une source d’inspiration pour réfléchir à de nouveaux horizons.

C.G.