QUE NOUS DIT L’ECO-SCORE ?

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Développement Durable Réglementation

Que dit réellement cet Eco-score ? A qui s’adresse-t-il ? Pourquoi cette nouvelle information consommateur ? et finalement, pour les marques, est-ce le moment de se mettre en ordre de marche et rejoindre cette démarche volontaire ?

Un nouvel indicateur, l’Eco-score, s’invite depuis le début d’année sur les emballages de certains produits alimentaires, relayés sur des applis mobiles comme Yuka, Scan Up ou Open Food Facts. « Déjà calculé pour 200.000 produits, il devrait être déployé sur environ 450,000 dans les mois à venir », nous annonce Caroline Péchory, co-fondatrice de Scan Up.

 

Que nous dit l’eco-score ?

La démarche a été initiée par un collectif d’acteurs indépendants et engagés de l’alimentaire, constitué d’Etiquettable, Eco2initiatives, Open Food Facts, Yuka, Scan Up et Frigo Magic, ainsi que de La Fourche, FoodChéri, Seazon et Marmiton.
L’objectif : accompagner la transition des consommateurs et producteurs vers une alimentation à impacts réduits sur la planète.
Transparent sur les calculs et leurs sources, basés sur des méthodologies et bases de données d’analyses de cycle de vie (depuis la production des ingrédients à la fin de vie d’un produit)  multi-impacts rendues publiques par l’Ademe l’été dernier, la note sur 100 d’Eco-score est composée de deux éléments :
I. une note d’analyse cycle de vie (ACV), reflétant une douzaine d’éco-impacts (comme le climat, la consommation d’eau, de terres agricoles, l’épuisement des ressources, l’usage des terres…), chaque critère étant pondéré sur 100% (le climat représente par exemple 22% de la note). Ces éco-impacts sont alignés avec ceux retenus par la Commission Européenne pour le projet de Product Environmental Footprinting.
Cette note provient donc de la base Agribalyse, récemment mise à jour et enrichie par l’Ademe et l’INRAE, riche d’environ 2.500 produits types. Pour le calcul du score ACV, AgriBalyse se base sur les catégories de l’Ademe elle-même reprenant les catégories Ciqual.  Des hypothèses moyennes sont retenues signifiant par exemple que des distances de transport des matières premières ou encore des procédés de fabrication moyens sont pris en compte.
Les informations utiles (pour des comparaisons produits donnés) de cette note sont de deux natures :
  • l’impact des ingrédients et matières premières des emballages, mais de façon générique et sur un mix de provenance moyen. Par exemple : l’impact d’un kilo de farine de blé en production conventionnelle, de 4 œufs d’élevage, et de 200 g de beurre doux pasteurisé donnera un impact ingrédients.
  • leurs processus de transformation, par exemple : pour mélanger puis cuire le gâteau, une quantité moyenne d’énergie est retenue, traduite en impacts par des facteurs d’émission locaux (français).
II. des bonus/malus portant sur les critères qualitatifs de mode de production, origine des matières premières, politique environnementale du pays producteur, éco-conception des emballages et présence d’ingrédients posant des problèmes de biodiversité. Ces critères et leurs corrolaires ne sont soit pas reflétés dans l’ACV (comme par exemple l’impact des engrais chimiques sur la biodiversité, l’eutrophisation ou les pollutions atmosphériques), soit distordus dans la méthodologie d’AgriBalyse (l’agriculture conventionnelle y est par exemple notés comme moins impactant que la bio en termes d’émissions de gaz à effet de serre, le calcul se basant sur des rendements).
Les calculs de points sont faits sur la base des informations présentes sur l’emballage (labels et certifications pour le bio, origine, etc…). Sont également notés la présence d’ingrédients « à problème », comme l’huile de palme pour ses impacts sur la déforestation et la biodiversité (cf. infographie).

A qui s’adresse l‘Eco-score ?

L’Eco-Score s’adresse à différents acteurs :
Aux consommateurs : l’Eco-score a pour but de mieux informer les consommateurs et de les sensibiliser sur l’impact de leurs choix alimentaires sur l’environnement. Il est symbolisé par un logo, un code de lettres et couleurs proche de celui du Nutri-score. Il indique un niveau global d’impact environnemental qui dépend non seulement du produit mais aussi de sa catégorie (des biscuits seront de facto moins lourds en empreinte environnementale que leur poids équivalent en viande). La part globale de l’impact de l’alimentation dans l’empreinte individuelle n’est donc pas forcément améliorée si la répartition en terme de types d’aliment ne varie pas. En revanche, à type d’aliment égal, le choix éclairé permet une réduction des impacts.
Aux autorités règlementaires : s’appuyant sur des partenaires publics comme l’ADEME, l’Eco-score offre une base et un test pilote grandeur nature, en amont de l’appel à proposition de méthodologies d’affichage environnemental prévu en mars par le Ministère de la transition écologique.
Aux producteurs et marques : l’Eco-score est un moyen supplémentaire de mettre en valeur  l’engagement environnemental de l’entreprise. Il lui permet aussi de détailler ses impacts sur toute la chaîne de valeur et de les améliorer si besoin.

Quelles limites peut-on voir à l’Eco-score ?

I. Les limites de la méthode de calcul en elle-même posent certains questionnements :
  • malgré les bonus/malus, certaines distorsions (liées aux méthodes d’ACV obligatoirement réductrices car basées sur des produits types) pourraient demeurer : les points « regagnés » par une production d’ingrédients ou de viande en bio (défavorisés comme indiqué ci-dessus du fait de rendements plus faibles à l‘ha ou de la durée de vie de l’animal) face au conventionnel intensif, reflèteront-ils tous les co-bénéfices de ces modes d’agriculture ? L’ensemble des flux logistiques seront-ils pris en compte et un produit sourcé et fabriqué localement aura-t-il la même note s’il est vendu dans une autre région ?
  • dans une catégorie de produit, tous les produits ont le même score d’ACV sur AgriBalyse. Or, différents facteurs seraient à analyser de façon plus fine pour plus d’exactitude : pour la partie production par exemple, le type de production énergétique (mix énergétique) du pays producteur est le facteur clé en termes d’empreinte carbone. Le bonus/malus de localisation de la production prendra-t-il en compte ces différences de facteurs, au-delà des distances et transport ?
  • la durée de vie du produit est-elle prise en compte (important par exemple dans le cas de produits surgelés, impliquant une consommation énegétique de congélation tout le long de leur conservation) ?
  • la fin de vie dépend en partie des filières et les lieux de traitement du déchet, les impacts réels peuvent donc être discutés.

II. Une autre limite de l’Eco-score est bien sûr la possibilité de confusion et collusion avec le Nutri-score, du fait de l’adoption d’un modèle proche. Sur l’impact climat, un parallèle certain existe entre aliments génériques bas en carbone et recommandés dans l’alimentation (céréales et légumineuses en bas des pyramides alimentaires et carbone, viandes et laitages en haut par exemple). Mais en entrant dans les détails de produits par catégories, des diffférences Nutri-score Eco-score risquent de perturber le choix du consommateur.

Mais ne pouvant affiner plus que ne le fait AgriBalyse en terme d’ACV, des distorsions d’empreinte peuvent apparaître dans une même catégorie de produit. Parfois, la note Eco-score de certains produits est même contre-intuitivement différente de leur Nutri-score : sur le tableau ci-dessous, on voit que la semoule de blé est moins bien notée que des biscottes extrudées, alors que nutritivement l’inverse est vrai, et qu’en termes d’éco-impacts, le procédé d’extrusion paraît plus énergivore que celui de transformation du blé).

III. Les membres du collectif n’ont pas vocation ni pouvoir à contrôler ce processus déclaratif : « à terme la responsabilité de contrôle devra être assurée par un organisme gouvernemental », précise Caroline Péchory.

 

Pourquoi ajouter une nouvelle information sur les packs ?

  1. Pour les metteurs sur le marché, l’Eco-score permet d’anticiper une probable obligation d’affichage environnemental en préparation au niveau national mais aussi européen, plutôt que de la subir plus tard. Un engagement volontaire véhicule une image d’engagement et de transparence.  La démarche permet aussi une meilleure connaissance de certains impacts environnementaux sur toute la chaine de valeur et possiblement d’identifier de nouveaux leviers d’amélioration. Leviers activables quelles que soient les potentielles modifications du système de notation dans le futur.
  2. Pour le consommateur, l’Eco-score permet de comparer l’impact de différents types de produits (par exemple des biscuits apéritifs, un pot de tapenade et un saucisson). La demande d’information sur les enjeux de l’alimentation, notamment sur le climat, est connue des membres du collectifs, l’Eco-score apporte une réponse à ce besoin, même si les conclusions à tirer sur le produit au regard de la note Eco-score ne sont pas nécessairement évidentes.
  3. Pour les membres du collectif à l’origine de cette initiative, plusieurs objectifs : guider les consommateurs pour une alimentation plus régénératrice pour l’homme et l’environnement être acteurs de la construction d’une méthodologique fiable et globale, et offrir une preuve de concept (lisibilité, usage, …) pouvant servir de modèle pour le futur PEF.

En conclusion : se mettre en ordre de marche pour rejoindre cette initiative ?

 Chaque cas est différent, la stratégie à adopter est donc à étudier au cas par cas.
  • pour les marques engagées : oui, l’Eco-score vous apportera un soutien de communication tout en vous permettant de vous familiariser avec l’approche de calcul proposée par Eco-score (la méthode future, qui pourra différer en pondération, devrait garder les mêmes paramètres incontournables d’évaluation d’impacts).
    En termes de retombées, ce nouvel affichage pourrait ne pas se distinguer de vos certifications actuelles, déjà visibles. En revanche le scan de produits en magasin sur applis vous sera favorable.
  • pour les marques conventionnelles : l’étude des éco-impacts peut vous permettre d’identifier les leviers de votre chaine de valeurs pour procéder aux améliorations dans un premier temps.

Et concrètement ? comment faire si je veux mettre l’Eco-score sur mes produits ?
Etablissez votre score : 
Scan Up propose un calculateur en ligne : vous rentrez les informations associées à un produit (cf infographie jointe du calculteur Scan Up) : sa catégorie en données d’ACV, les labels éventuels, ingrédients à problème et informations emballage.
Pour aller plus loin :
Méthodologie globale : publiée par l’ensemble du collectif avec les sources et détails des calculs.
Affichage : déclaratif, l’affichage n’est pas ssoumis à vérification gouvernementale. Une fois l’Eco-score calculé, il suffit de signer une charte d’usage pour pouvoir utiliser l’Eco-score sur tous supports de communication y compris le packaging. Le détail des informations renseignées sont publiques.

Article publié par Catherine Touzard et la participation d’Odile Godard