10 enseignements du congrès « Plastiques, changement de cap ! »
Emmanuel Pion
Consultant éco-conception eco-sol.fr
En tout début d’été, la toute première édition de Plastiques, changement de cap ! est venue remettre au cœur du débat environnemental « l’autre » urgence : celle des pollutions des éco-systèmes et pertes de biodiversité.
L’usage massif, toujours en croissance, des nombreux polymères et les effets de leurs cycles de vie en terme, notamment, de toxicité étant toujours dans la tête des éco-concepteurs que nous sommes, j’ai suivi pour Ecosol cette plongée brestoise, du 30 juin au 1er juillet, dans l’univers des plastiques et de leurs possibles substitutions.
Beaucoup d’échanges passionnants, mais en quelques mots, voici ce que j’ai retenu de ces interventions d’experts en 10 points à garder en tête : 6 vérités bonnes à savoir … 4 pistes à suivre (avec les auteurs/trices en référence) :
LES VERITES A SAVOIR SUR LE PLASTIQUE
- Partout où l’on cherche du plastique, on en trouve ! Surtout si l’on cherche à la loupe en milieu marin 90% des déchets plastiques sont des micro-plastiques (< 5 mm). Et leur principal problème est d’avoir une taille et une forme similaire au phytoplancton [1] et ainsi de rentrer dans la chaîne alimentaire 🙁
- Recyclable ne veut pas dire recyclé. Etre qualifié de recyclable ne signifie pas pour autant que la filière de recyclage est pleinement opérationnelle. Aujourd’hui, 15% des filières de recyclage des emballages plastiques sont en « voie de développement » (ex : les pots de yaourt) et 20% des emballages n’ont toujours pas de solution. Heureusement le rythme s’accélère : 100% des emballages plastiques à usage unique utilisés en 2025 devrait avoir une filière opérationnelle [2].
- On « sous-cycle » plutôt que recycle les plastiques. En fait, il existe deux technologies de recyclage des polymères : mécanique (fortement répandu mais qui dégrade la qualité) et chimique (encore très peu présentes mais plus performantes). Les industriels continuent donc d’incorporer une part plus ou moins significative de plastique vierge pour rester à qualité de produit fini équivalente. Le déploiement à grande échelle du recyclage chimique, prévu pour 2026-27 [3], devrait permettre de dépasser les taux d’incorporation de matière régénérée actuels. Le procédé n’en sera pas pour autant neutre d’impacts.
- Une biodégradation souvent sous conditions [4]. Pour pouvoir revendiquer une biodégradation, un plastique devra être certifié (en compost naturel à température ambiante ou en milieu marin). Attention de bien vous en assurer dans la sélection de vos matières. La biodégradation en compostage industriel ne peut être revendiquée, les chances de dégradation effective étant faibles.
- La plastisphère : radeau des mers pour espèces nuisibles. En biologie marine, les déchets plastiques posent deux principaux problèmes : celui bien connu de leur ingestion par les animaux, et celui du transport d’espèces : des déchets agglomérés forment un amas, la plastisphère, qui peut traverser les océans en transportant espèces nuisibles, pathogènes et invasives. Ainsi, 289 espèces exotiques ont été retrouvées sur les côtes américaines quelques mois après le tsunami de Fukushima [5]
- Un être humain peut ingérer jusqu’à 5 g de plastique par semaine (soit l’équivalent d’une carte bancaire). Cette contamination alimentaire est d’origine marine et d’origine terrestre, les sols étant 3 à 4 fois plus pollués que les océans [6]). Au final les plastiques se retrouvent dans notre organisme, et on n’en est qu’à la phase de caractériser le danger [7].
LES PISTES A SUIVRE
- Enseigner l’écologie à l’extérieur. De quoi ravir les élèves ! Il s’agit d’une des conclusions d’un modèle macro-économique récent qui montre que la prise de conscience des étudiant.e.s est meilleure lors de visites de terrain dans les écosystèmes. Cela permet de faire passer leurs changements de comportements de quelques % à des dizaines de % [8.
- Eco-concevoir le couple « emballage – produit ». Réfléchir tout à la fois réduction de matière/ réemploi et usage de recyclé pour financer le surcoût des matières recyclées (+500€ / tonne par rapport à une matière vierge) [10]. Cette approche permet aux entreprises de maintenir voire d’augmenter leur performance économique (infos à paraître dans le prochain baromètre éco-conception 2021) [11].
- « Afficher le recyclé en tant que recyclé » [12]. C’est une solution de positionnement marketing plébiscitée par Plastic Omnium qui cite notamment le travail réalisé sur la Citroën AMI.
- Revoir les cahiers des charges au juste nécessaire [13]. Plastiques à base d’algues vertes (Eranova), de protéine de lait (Lactips) ou de micro-organisme marin (Polymaris), ces nouvelles technologiques plus respectueuses de l’environnement sont a priori moins « performantes » que les matières vierges. Mais a-t-on vraiment besoin de toute cette performance ?
Et c’est bien la démarche de questionnement que l’on peut retenir sur le sujet : les performances de cette matière « fantastique » nous ont parfois fait oublier la notion d’usage, d’efficience de cycle de vie et … de sobriété. Une longue route pour se « déplastifier ».
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SOURCES :
- Tristan Hatin, responsable médiation et culture scientifique d’Océaonopolis
- Sophie Genier, directrice Services Recyclage, Citeo
- Roland Marion, directeur économie circulaire de l’ADEME
- Maël Jaffrelot, associé, Greenfib
- Ika Paul-Pont, chercheuse en biologie marine, laboratoire Lemar, Université de Brest
- Mélanie Davranche, Professeur, Géosciences Rennes, Université de Rennes I
- Guillaume Duflos, ANSES, chef d’unité, laboratoire de sécurité des aliments, analyse des contaminants chimiques dans les produits alimentaires
- Mateo Cordier, professeur associé en économie de l’écologie de l’Université Paris-Saclay
- Sophie Marcou, Experte packaging écoconception, groupe Rocher
- Sophie Labrousse-Molla, Head of Packaging Development, Groupe Rocher
- Amandine Authier, ingénieure Écoconception, Pôle Ecoconception Saint-Étienne
- Amandine Chaffois, VP Sustainability, Plastic Omnium
- Marion Vincent, Lactips