Nutri-score : vers une généralisation programmée ?

Temps de lecture : 5 min 35

Communication Réglementation Stratégie de marque Veille & tendances

Le Nutri-Score est adopté par un nombre croissant d’opérateurs. A ce jour, selon Santé Publique France, ce logo est utilisé par plus de 400 structures (industries agroalimentaires, entreprises artisanales, distributeurs, sociétés de restauration commerciale, …). Face à cette popularité sans précédent, il nous a semblé important de faire le point sur cet outil.

Genèse du Nutri-score

La composition des produits que l’on mange a une influence sur notre santé. Aussi, face à l’épidémie d’obésité et à la prévalence des malades métaboliques ou de cancers en lien avec notre alimentation, les gouvernements de nombreux pays ont lancé des programmes nutritionnels afin d’améliorer nos connaissances, et d’influencer nos choix pour agir sur notre santé. Ainsi, en France, différents PNNS (Programme National Nutrition Santé) se sont succédés depuis 2001.

Dans ce contexte, en janvier 2014, le Professeur Hercberg a remis au Ministère de la Santé un rapport portant sur la nécessité de « mettre en place un système d’information nutritionnelle unique sur la face avant des emballages des aliments ». Plus précisément, ce système avait pour but :

  • De renseigner « le consommateur, au moment de l’acte d’achat, sur la qualité nutritionnelle globale des aliments lui permettant d’orienter ses choix»,
  • D’inciter « les industriels à améliorer la qualité nutritionnelle des aliments qu’ils produisent » et « de valoriser leur effort en termes de reformulation / innovation».

Le futur logo devait alors être simple dans le but de permettre sa compréhension par le plus grand nombre.

Par la suite, la DGS a saisi l’ANSES et le HCSP pour évaluer la faisabilité de cet outil et de son calcul. Ces deux autorités ont respectivement remis leurs conclusions en avril et en juin 2015. Puis, la recommandation proposée a été inscrite dans la Loi de Modernisation de la Santé, signée en janvier 2016 (LOI n° 2016-41 – article 14). Cependant, tandis que le rapport initial recommandait une utilisation obligatoire du futur système pour tous les aliments, la Loi de Modernisation de la Santé a inscrit dans son texte sa mise en œuvre volontaire, et donc facultative.

Quatre logos ont été testés auprès des consommateurs, en conditions réelles d’achat dans plusieurs grandes surfaces, entre septembre et décembre 2016, conformément au Décret n° 2016-980 du 19 juillet 2016. En mars 2017, à l’issue de ce test, le logo Nutri-score a été choisi (également appelé étiquette nutritionnelle à 5 couleurs ou 5 C).

Quels sont les produits concernés par le Nutri-Score ?

Le Nutri-score peut être utilisé sur tous les aliments transformés (y compris les boissons à l’exception des boissons alcoolisées) lorsque la déclaration nutritionnelle est présente sur les emballages. Or, la déclaration nutritionnelle est obligatoire depuis décembre 2016 (Règlement (UE) n° 1169/2011 dit Règlement INCO) pour la majorité des denrées alimentaires, à l’exception de quelques produits (voir liste ci-dessous). Aussi, si un opérateur souhaite utiliser le Nutri-score pour des produits exemptés de déclaration nutritionnelle, celle-ci devient obligatoire.

Le Nutri-score n’est pas recommandé pour les aliments destinés à une alimentation particulière comme :

  • Les laits infantiles et les aliments destinés aux nourrissons et enfants en bas âge,
  • Les aliments destinés au contrôle du poids,
  • Les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales.

En effet, ces produits ont des compositions spécifiques et sont conçus pour répondre à des besoins particuliers qui, parfois, sont en décalage avec les recommandations destinées à la population générale.

Un calcul moins simple qu’il n’y parait !

Contrairement aux idées reçues, le Nutri-Sore ne prend pas en compte la présence d’additifs, ni le degré de transformation des aliments et encore moins la présence de résidus de pesticides ou autres contaminants. Le Nutri-Score est un outil qui porte uniquement sur la composition nutritionnelle des aliments.

Le calcul du Nutri-score a été défini par l’Arrêté du 31 octobre 2017, modifié par l’Arrêté du 30 août 2019. Il prend en compte deux composantes :

  • une composante dite « négative » N, correspondant aux éléments nutritionnels à limiter (énergie, acides gras saturés, sucres, sel),
  • une composante dite « positive » P, correspondant aux éléments nutritionnels à favoriser (fruits et légumes, légumineuses et fruits à coque, huiles de colza, de noix et d’olives, fibres et protéines).

Puis, la formule suivante est est appliquée :

Score nutritionnel = Total Points N – Total Points P

La note finale est comprise entre une valeur théorique de – 15 (la plus favorable) et une valeur théorique de + 40 (la plus défavorable). En fonction du résultat obtenu, une lettre est attribuée selon les modalités suivantes :

Cependant, il existe des exceptions à cette règle de calcul générale, pour lesquels des modalités spécifiques ont été définies (pour les fromages, pour les matières grasses, pour les boissons, lorsque que les valeurs de N et de P atteingnent certains niveaux, …). Par ailleurs, il existe aussi des règles spécifiques pour l’attribution des points liés à la présence de fruits, de légumes, de fruits à coque et de légumineuses (pris en compte uniquement s’ils sont > à 40 %, exclusion de certains légumes, particularités pour la comptabilisation des fruits et légumineuses secs, …).

Bref, le calcul du Nutri-Score n’est pas simple !

Et demain ?

Comme nous l’avons précédemment précisé, le Nutri-Score est facultatif. Cependant, plusieurs évènements laissent supposer qu’il pourrait devenir obligatoire en Europe.

En effet, après la France, plusieurs Etats Membres l’ont également adopté (Espagne, Belgique, Allemagne, Pays Bas, Luxembourg). Hors Union Européenne, la Suisse a également suivi le mouvement.

Par ailleurs, des actions de lobbying sont en cours pour le rendre obligatoire à l’échelle de l’Union Européenne. Ainsi, des Eurodéputés ont plaidé en ce sens en janvier 2020. En parallèle, UFC-que choisir a lancé une pétition dans ce but, en collaboration avec 6 autres associations de consommateurs européennes (Test-Achat (Belgique), VZBV (Allemagne), Consumentenbond (Pays-Bas), OCU (Espagne), Federajca Konsumentow (Pologne) et EKPIZO (Grèce)).

Des géants de l’industrie agroalimentaires tout comme de la distribution ont choisi de le mettre en œuvre sur l’ensemble de leurs marques : Danone, Nestlé, PepsiCo, Leclerc, Casino, U, Lidl, Intermarché, … Certains ont en parallèle engagé de lourdes opérations de reformulation dans le but d’améliorer le score de leurs produits. Des sociétés de restauration hors domicile (commerciale, scolaire) l’ont également adopté.

Après quelques années d’utilisation, il est aujourd’hui possible de montrer qu’il remplit déjà les objectifs définis dans le rapport initialement remis au Ministère de la Santé (voir études:

  • Il est reconnu par les consommateurs (86 % des Français l’identifie comme un indicateur de la qualité nutritionnelle des aliments, et 90 % sont favorables selon l’étude mise au point par Santé Pubique France),
  • Il influence les qualités nutritionnelles des produits contenus dans les caddies,
  • Il contribue à l’amélioration des qualités nutritionnelles des produits proposés sur le marché (différentes études Scanup le montrent pour plusieurs secteurs),
  • Les chiffres d’affaires des produits notés A et B ont plus progressé selon une étude menée en 2019 par Nielsen,
  • Il est associé à un moindre risque de mortalité (étude portant sur la cohorte européenne EPIC).

Par ailleurs, il devrait devenir obligatoire pour tous les messages publicitaires (TV, radio, internet, presse, prospectus, flyers, …) dès janvier 2021. Les opérateurs qui ne l’indiqueront pas auront l’obligation de payer  une contribution à Santé Publique France d’un montant correspondant à 5 % du coût total de la campagne publicitaire (loi adoptée en première lecture par l’Assemblée Nationale). Cette nouvelle mesure auront indéniablement un effet sur l’adoption croissante du Nutri-score par de nouveaux opérateurs ! Son absence pourrait être à termes considérée par les consommateurs comme un manque de transparence, et avoir un impact négatif sur les ventes.

Que faire face à cette révolution annoncée ?

L’adoption du Nutri-Score sur tous les produits semble être l’issue finale. Cependant, certains produits ont des scores défavorables (D, E). Ces notes pourront avoir un impact négatif sur l’activité des entreprises concernées.

Quelle stratégie mettre en œuvre dans ce type de circonstance ?

La reformulation des produits peut permettre d’améliorer le Nutri-Score. En effet, certains ingrédients permettent de réduire les matières grasses ou les sucres, d’autres permettent d’enrichir les produits en protéines ou en fibres. La révision des recettes donnant la part belle aux fruits, légumes et légumineuses est aussi une solution à explorer. Cependant, ce type de travaux présente un impact indéniable sur le produit (aspect, goût, texture, …) et demande beaucoup de temps. Par ailleurs, reformuler est parfois impossible, notamment quand la composition des produits est fixée par la réglementation ou les codes des usages (charcuteries, fromages, biscuits, …).

Dans ce cas un audit nutritionnel peut permettre d’identifier d’autres bénéfices, et concentrer sa communication sur ces derniers.

Accepter les particularités nutritionnelles de produits est aussi une stratégie possible. En effet, tous les produits ne peuvent être classés A ou B. Malgré tout, ils répondent aussi à des besoins : recherche de plaisirs gustatifs, encrage au sein d’un territoire ou d’une tradition. Rappelons que notre alimentation est liée à un passé culinaire qu’il faut savoir apprécier avec modération et qu’en nutrition, ce sont surtout les quantités consommées qui font le poison. Rappelons aussi que les consommateurs sont souvent ambigus dans leurs choix alimentaires. Ainsi, ils déclarent faire attention à leur alimentation et affirment que le Nutri-Score impacte leurs achats. Et en même temps, ils adorent les produits gras et sucrés. Pour preuve, le lancement ayant connu le plus gros succès commercial en 2019 était Nutella-biscuit (voir Article LSA).

L’innovation est donc une réponse à privilégier : une contrainte est en effet une merveilleuse opportunité pour créer de nouveaux produits en total rupture avec l’existant !

 

Vous souhaitez des précisions sur le Nutri-score ?

Contactez-moi, et je me ferais un plaisir de vous répondre !