Le charbon actif est un ingrédient tendance. Plusieurs produits en contenant ont été lancés récemment : boissons, biscuits, produits de beauté, … Mais qu’est-ce que le charbon actif ?
Le charbon végétal, encore désigné sous le terme de charbon actif, est utilisé dans de nombreuses applications, touchant différents secteurs d’activité. Dans le monde de l’agroalimentaire, plusieurs produits ont été lancés ces derniers mois : boissons, fromages, biscuits, produits de boulangerie (voir Compte rendu de visite du SIAL réalisé par les experts de Direction Marketing). Cette effervescence touche également le secteur de la cosmétique : gels douches, masques, peelings, savons, dentifrices, …
Qu’est-ce que le charbon actif ?
Le charbon actif est obtenu à partir matières organiques végétales : bois (frêne, peuplier), résidus de cellulose, tourbe, noix de coco et autres enveloppes végétales (Règlement (UE) n° 231/2012 ; Olson K.R., 2010). Il s’agit d’un composé poudreux fruit d’une double carbonisation réalisée en 2 étapes. La première se produit à une température comprise entre 600 et 900 °C en l’absence d’oxygène. La deuxième est réalisée aux mêmes températures, mais en présence d’eau, d’oxygène ou de gaz. Cela confère au charbon son activité par la création de pores microscopiques lui donnant des propriétés absorbantes. Il peut aussi être préparé par des moyens physiques ou chimiques.
Propriétés et utilisations du charbon actif
Le charbon actif est utilisé depuis l’Antiquité. Les Egyptiens l’employaient ainsi pour purifier l’eau. Plus tard, il a été utilisé pour purifier ou décolorer différentes matières comme le sucre blanc. Encore aujourd’hui, il est utilisé pour purifier des huiles (huiles de poisson) ou des extraits (extrait de romarin), décolorer certaines matières premières (édulcorants, acides aminés, …). En alimentation, il s’agit d’un additif, autorisé en tant que colorant (E 153) dans certaines denrées alimentaires sous conditions (Règlement (UE) n° 1129/2011).
Ses propriétés médicales ont été décrites dès le XVIII° siècle. Au XIX° siècle, Bertrand, Tovery, Hort et Garrod ont montré l’efficacité du charbon actif contre les effets cliniques d’empoisonnements chez l’animal et l’Homme (Derlet R.W. et Albertson T.E., 1986 ; Juurlink D.N., 2015). Par la suite, des travaux complémentaires ont permis de classer le charbon actif comme un outil essentiel dans la gestion des empoisonnements et des overdoses chez l’Homme. Il possède également d’autres propriétés : détoxication, épuration digestive, abaissement du taux de cholestérol, antidiarrhéique, action contre la mauvaise haleine, effets sur les troubles digestifs (aigreurs, aérophagies, flatulences, …), …
C’est dans ce contexte qu’on le retrouve dans des compléments alimentaires sous différentes formes (poudres, granulées, comprimés, gélules), seul ou associé à d’autres ingrédients. Il s’agit en fait d’un basique que l’on trouve dans quasiment toutes les gammes des différents intervenants présents sur le marché des compléments alimentaires.
Pourquoi un tel engouement pour le charbon actif ?
Plusieurs raisons permettent d’expliquer l’engouement pour cet ingrédient. Elles s’inscrivent sur des bases scientifiques, règlementaires et marketing.
En matière de recherche, le charbon actif montre un intérêt en constante croissance. En effet, le nombre de publications scientifiques sur le charbon actif ne cesse d’augmenter d’années en années (voir graphique ci-dessous). Rien qu’en 2018, celles-ci ont frôlé le chiffre de 1000. Or, la recherche scientifique est de plus en plus médiatisée.
Du point de vue réglementaire, le charbon actif a obtenu en 2012 une autorisation d’allégation de santé (Règlement (UE) N° 432/2012). Il est ainsi possible d’affirmer qu’il « contribue à réduire l’excès de flatulence après le repas ». Aussi, cette évolution notable de la réglementation a entraîné l’augmentation de l’intérêt pour cet ingrédient. Cependant, il ne suffit pas d’ajouter quelques mg de charbon actif dans un produit pour pouvoir alléguer. En effet, il existe des conditions d’emploi stricte. La denrée alimentaire doit contenir au minimum 1 g de charbon actif par portion. En outre, l’allégation doit être accompagnée d’une information à destination des consommateurs précisant que l’effet bénéfique est obtenu par la consommation de 1 g au moins 30 minutes avant le repas et de 1 g juste après celui-ci.
Enfin, l’attrait pour le charbon végétal, portées par les médias, les influenceurs, les primo-consommateurs, relayé par les réseaux sociaux, a aussi contribué à la création d’une mode s’inscrivant au sein de tendances.
C’est ainsi le cas de la tendance détox apparue au début des années 2000. Or, comme nous l’avons précisé précédemment, le charbon actif possède des propriétés absorbantes et détoxifiantes.
Par ailleurs, le consommateur aime tester, expérimenter, découvrir, être surpris. Et la tendance de la black food répond à ces besoins. Depuis quelques années, on a vu apparaître sur la carte de grands chefs des aliments noirs, dont certains sont élaborés à l’aide de charbon actif. C’est le cas de la pâte brisée, développée par Alain Ducasse, des tuiles dentelles ou des ravioles proposées par Stéphane Carbone, ou encore des crevettes enrobées proposées par le traiteur Erisay. De nombreux restaurants présentent des burgers réalisés à l’aide de pains noirs. Des boulangers l’intègrent au sein de pains (attention, le charbon végétal n’est pas autorisé dans le pain) ou viennoiseries. Des glaciers, des chocolatiers l’utilisent aussi. Sur le net, de nombreuses recettes en contiennent (marmiton.org, cuisineaz.com, atelierdeschefs.fr, 750g.com, …).
Est-ce une bonne idée ?
Est-il pertinent d’intégrer le charbon actif aux aliments courants ?
Pour explorer son pouvoir colorant, pourquoi pas, d’autant plus qu’il est neutre en goût. Par ailleurs, il donne une couleur noire à faible dose. Par conséquent, il n’impacte pas la texture des aliments.
Et pour bénéficier de ses atouts santé ? Tout dépend de la nature de l’aliment vecteur choisi et de son mode de consommation. En effet, il est conseillé de consommer le charbon actif en dehors des repas, car il présente certes des propriétés détoxifiantes, en captant certaines toxines, mais il capte aussi les bons nutriments, et peut donc conduire à des carences ! Il peut aussi absorber les principes actifs contenus dans les médicaments, et en réduire leur efficacité. Aussi, il est conseillé de le prendre séparément des traitements médicamenteux. Enfin, sa consommation excessive présente aussi des effets secondaires (constipation notamment).
Intégrer le charbon actif à tous types d’aliments n’est donc pas la meilleure idée…