La fallacie de la mise en compétition.

Temps de lecture : 1 min 37

Interview

Jean-François Menu, est le fondateur de l’agence Eretic Brand Consulting & Design
après avoir dirigé Future Brand Menu et Shining.
Il nous propose aujourd’hui son regard sur les compétitions…

À l’heure où tous les acteurs du marketing se targuent de l’importance du branding, il est curieux de noter que la mise en compétition des agences reste, pour certains clients, le moyen privilégié de sélection et que nous-mêmes, agences petites ou grandes, nous prêtons à ce jeu.

Finalement qu’est-ce qu’une compétition ? En fait, c’est la croyance de certains clients que les agences ne sont ni plus ni moins que des ateliers à produire des idées créatives sur la base d’une analyse marketing souvent imparfaite et dans tous les cas manquant parfaitement de souffle pour allumer l’étincelle créative.
D’où la solution providentielle, attendre le miracle en mettant plusieurs agences en compétition et être séduit par une exécution plutôt qu’une idée qui aurait du souffle.

Pourquoi ce processus est-il fallacieux ?
Parce que, à part intervention divine, il est quasiment impossible de trouver la grande idée sans un travail de longue haleine entre client et agence. Ça fait 35 ans que je fais ce métier, jamais je n’ai sorti d’une compétition une création vraiment productive de croissance pour le business du client. Et cela, malgré en avoir gagné une sur 3 comme tout le monde.

La compétition se gagne sur un coup de bluff.
La compétition de la croissance pour nos clients se gagne par une collaboration au long cours.

Une collaboration basée sur la confiance, la transparence dans le partage des informations et de la compréhension des situations, par des échanges mutuels qui font progresser la cause et permette de polir le brief comme une pierre précieuse.

L’acte créatif commence dans ce brief. Or, force est de constater que les briefs fournis lors des compétitions sont d’une pauvreté consternante, preuve que le client lui-même ne croit pas que l’agence puisse avoir un quelconque apport stratégique !

Enfin le processus créatif pour être excellent, à l’instar du processus stratégique, nécessite une immersion des créatifs dans le sujet avec beaucoup d’échanges avec le client, beaucoup d’allers-retours où sont testées des idées parfois imparfaites, parfois loufoques (aux yeux du client) mais toujours passage obligé du saut creatif productif.

Alors comment faire quand il y 3 ou 4 agences en compétition ?
Comment accepter de partager de l’information souvent très confidentielle parce que très stratégique avec un nombre important d’individus (et s’il vous plait, évitons de se cacher derrière l’accord de confidentialité) dont 75% seront laissés sur le bord de la route!
Comment les équipes de nos clients peuvent-elles dédier le temps, la patience de gens suffisamment seniors, nécessaires à se processus de polissage?

Il est tellement plus facile de lancer les dés en espérant le coup de poker!