ITW de Stéphanie Simon – Cité Marine

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Interview Stratégie de marque

Stéphanie Simon est Directrice marketing, communication & digital chez Cité Marine. Elle nous dévoile les coulisses de la refonte de la marque Cap Océan.

Stéphanie Simon -Directrice marketing, communication & digital chez Cité Marine

EHD : Pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours ?

S.Simon : J’ai une expérience de plus de 20 ans en marketing et communication. J’ai commencé à travailler chez Pepsico, sur le terrain en tant que chef de secteur. J’ai ensuite rejoint Ferrero pour relancer la marque Duplo. Après un détour par Sodebo sur un poste tourné sur l’innovation, j’ai atteint mon objectif personnel de vivre et de travailler en Bretagne.
J’ai notamment évolué chez Cobral traiteur et chez Halieutis. J’ai également travaillé plusieurs années comme responsable marketing & communication dans le secteur de la cuisine équipée. Cela a été très enrichissant de sortir de l’agroalimentaire et de toucher à des sujets en lien avec le digital.
J’ai ensuite eu envie de retrouver la proximité du produit et de l’innovation de l’agroalimentaire, et j’ai eu l’opportunité de retourner chez Halieutis. Nous avons lancé Vertigu, une marque de snacking au rayon surgelé. La société a été rachetée par le groupe Cité Marine l’année suivante. J’ai finalement repris la direction marketing de Cité Marine en juin 2018.

EHD : Vous avez alors repris en main la marque CAP OCÉAN, rachetée par Cité Marine à Bongrain en 2015.

S.Simon : Oui. La première phase de consolidation suite au rachat de la marque avait été faite avec succès : réussir à passer de Coraya à Cap Océan sans perdre nos clients.

J’ai entamé la deuxième phase de développement, en réalisant un diagnostic de la marque à partir de l’été 2018. J’ai repris les études en notre possession. Si la marque avait un déficit de notoriété, le nom Cap Océan était évocateur de valeurs positives, autour de la mer, de la fraîcheur et de la naturalité. Mais le territoire de marque et surtout sa traduction était floue, pas assez singulière et différenciante. Cité Marine fait aussi les produits MDD du rayon Traiteur de la mer, et quand on mettait les produits Cap Océan et les produits MDD les uns à côté des autres, il n’y avait pas vraiment de différenciation en terme d’image perçue.

J’ai lancé un double mouvement : revenir aux fondamentaux de la marque, reprendre sa place de marque pionnière (Cap Océan avait la première lancé les rillettes de la mer) ; et se développer sur le rayon, conquérir de nouveaux acheteurs.

Et ce dans un contexte :
– d’un marché en évolution, avec un consommateur-acteur de plus en plus versatile. On n’est plus dans une relation transactionnelle mais bien dans un marketing relationnel. Le consommateur participe à l’image de la marque : il poste des avis, il fait des commentaires, il utilise des applications comme Yuka, etc.
– d’un rayon particulier car on dit ‘traiteur de la mer’ alors que 80% des produits ne sont pas à base de produits de la mer comme ceux de la marque L’Atelier Blini. D’un côté on a les grosses marques comme celles du Groupe Labeyrie, et de l’autre côté plein de petites marques régionales comme Happy Yours, Guyader, Gastromer, Groix & nature… Il faut réussir à s’imposer.
C’est de plus, un rayon compliqué par la multitude des références diverses, pas toujours positionné au même endroit, et avec un taux de pénétration qui reste à développer. C’est un rayon qui a du potentiel.

J’ai réécrit le positionnement de Cap Océan afin de remettre en valeur les points positifs de la marque ; les messages clefs que nous souhaitions véhiculer : une marque pionnière sur le marché historique des rillettes, remettre en avant une personnalité affirmée, qui ose, qui soit rassurante, et en même temps qui reste simple et authentique car c’est aussi dans l’adn de Cité Marine. Ce que traduit bien la baseline ‘Cap Océan, authentiquement original’.

En termes de registre émotionnel : il nous fallait quelque chose de plus fort que ce qui existait avant pour créer de la préférence et de l’attachement. Je voulais décliner ce côté authentique : l’authenticité dans le goût, les recettes, la simplicité, le respect de la mer, de ce qu’on fait. D’ailleurs en parallèle, une charte produit a été rédigée. Celle-ci nous donne un cadre de développement quand on crée de nouveaux produits et elle nous a permis de revoir l’intégralité des recettes. Cap Océan est sans colorant, sans arôme, sans conservateurs. Les recettes sont sans additif ou jamais plus de deux – des additifs fonctionnels dont on ne peut pas se passer comme la poudre à lever dans les accras, mais pas plus. On a revu toutes nos recettes, retiré ce qui n’était pas nécessaire et réduit les taux sel, pour ainsi obtenir une bonne notation sur Yuka et le Nutriscore.

Ainsi la refonte des recettes a été réalisée selon trois clefs d’entrée :

  1. Nutrition, en m’appuyant sur le système de notation de YUKA et du NUTRISCORE
  2. Charte produits rédigée comme expliquée ci-dessus
  3. Gustative en m’appuyant sur les avis consommateurs (notamment ceux présents sur la plateforme « mon avis le rend gratuit »).

Je travaille avec l’agence LMWR basée à Nantes. Nous avons défini ensemble la nouvelle charte graphique de la marque Cap Océan et son territoire de communication. Le côté authentique ce traduit par un fond kraft sur le packaging. On voulait aussi ramener de l’imaginaire, de la singularité et de la poésie ; créer une image autour de tout ça. L’univers de Jules Verne s’est imposé de manière naturelle avec les directeurs artistiques. Il exprime bien cette idée de produit au plus proche du naturel et le respect que le groupe porte à la qualité des produits.

Voilà ce qui a donné naissance à cette nouvelle plateforme de marque tournée autour de cet univers onirique et singulier à Cap Océan.

Ce travail avait aussi pour but de moderniser la marque et de recruter une cible plus jeune, de toucher des millenials. Nous avons lancé la gamme des ‘incroyables’, des rillettes premium : les mieux-disantes du marché, extra clean et mono-espèces. Des rillettes ‘comme à la maison’ qui vont toucher aussi bien les seniors que les millenials qui recherchent aussi ce type de produits. Et la gamme des ‘surprenantes’, qui propose des goûts différents basés sur la fusion food : des tartinables à base de crevettes façon thaï, du merlu citron coriandre et du thon citron gingembre confit.

EHD : Quels points clés essentiels retenez-vous de la démarche que vous avez entreprise ?

S.Simon : Un point essentiel de la démarche que j’ai entreprise c’est que je l’ai menée avec l’interne. Pour que ça fonctionne il faut que l’interne soit convaincu et ait envie d’acheter les produits. Et pour que l’interne soit convaincu il faut aussi les intégrer dans la démarche, écouter ce qu’ils pensent. J’ai échangé avec chaque responsable de processus pour les faire parler de la marque Cap Océan et savoir ce que ça leur évoquait. Cela permet de convaincre et de fédérer.
Se doter d’une plateforme de marque et d’une charte produit c’est important : quel que soit le besoin désormais, nous avons un cadre clair, posé, simple. Tout le monde le connaît et nous pouvons partager facilement et nous comprendre.
Une fois posés les éléments, les bons mots, le cadre, vous développez un positionnement et un territoire cohérent. On a tout aligné. Et cela nous permet de nous projeter dans le futur : les objectifs sont fixés, pour faire des choix c’est clair.

EHD : Quelles sont les prochaines étapes ?

S.Simon : On actionne 3 phases médias : l’avant-vente, la vente et l’après-vente. Séduire, convaincre, fidéliser.
Côté séduction : nous travaillons la notoriété, avec nos moyens. Cela se traduit par l’intégration de la marque sur Frigo Magic. Je crois beaucoup à cette application.
Côté conviction, c’est la partie magasin : travailler les fondamentaux, avec Shopmium, les bons de réduction, des vitrines et du mobilier pour aller marquer notre positionnement dans les rayons.

EHD : Avez-vous déjà évalué les retombées ?

S.Simon : C’est un peu tôt pour s’en rendre compte. Nous avons des perceptions client ou consommateurs, toujours positives. Le contexte de ce début d’année est compliqué : le rayon traiteur de la mer a plongé pendant le confinement, car nous sommes plutôt sur des produits festifs – même si nous proposons aussi des produits cœur de repas. Comme les autres, nous avons souffert sur Cap Océan. Nous reprenons des actions médias en juin. Les études et mesures attendront septembre.
Entre-temps nous avons réfléchi à ce qu’on pouvait faire par rapport à ces nouvelles données. Comme le rayon Traiteur de la mer est moins fréquenté, on va chercher les consommateurs là où ils sont présents. Nous mettons en place une opération de cross-selling : des produits à marque Cité Marine, qui fonctionnent bien au rayon marée, vont être stickés avec des bons de réduction à valoir sur la gamme Cap Océan.
Nous avons également mené des actions pour développer la DN sur le drive. C’est un objectif qu’il faut poursuivre.

NOTRE REGARD

EHD : Ce témoignage très riche, met en lumière des principes fondamentaux relatifs au bon pilotage d’une marque et l’intérêt d’une définition claire et précise de son positionnement et de sa singularité. La plateforme de marque est un outil à la fois stratégique et opérationnel qui permet de construire et de développer avec cohérence son territoire de marque, dans un univers concurrentiel et consommateur en constante évolution. Elle facilite les échanges en interne et avec les prestataires externes, ainsi que la prise de décision sur des sujets relatifs à l’innovation produit, à la communication, au choix des médias, etc.
En tant qu’experte en stratégie de marque, études qualitatives et innovation, j’accompagne les marques de l’agroalimentaire dans ce travail de vision et de formalisation.

Propos recueillis par Esther Huguenel-Durand, HD Brand Strategy