Gaëlle Pantin-Sohier, professeur des universités à l’IAE Angers a accepté de répondre à nos questions au sujet du livre blanc
« quel futur dans mon assiette ? » en partenariat avec l’université d’Angers, la chaire AAPRO (Avantages et Acceptabilité des PROtéines alternatives), Un état des lieux sur les connaissances de quatre directions de la nécessaire transition vers une alimentation plus responsable : protéines végétales, œuf végétal, insectes comestibles, viande cultivée.
Gaëlle Pantin-Sohier, Professeur des Universités, IAE Angers-Université d’Angers.
AD : Bonjour Gaëlle, vous venez de participer au Foodtech Festival à Nantes pour y présenter le livre blanc « Quel futur dans mon assiette ? » pouvez-vous nous dire à qui ce document est adressé ?
GPS : À tous ceux qui veulent en savoir plus sur l’évolution de notre alimentation. C’est un document à tiroirs avec en surface les éléments clés pour le grand public et pour ceux qui souhaitent creuser nous avons réuni les chiffres, les liens vers des contenus plus détaillés.
Nous avons été surpris de mesurer qu’il y avait encore des sceptiques concernant l’impact de notre alimentation sur l’environnement et nous souhaitions interpeller sur la nécessité de s’interroger sur le futur de notre alimentation.
AD : Est-ce un travail militant ou visant l’objectivité ? Aujourd’hui chaque affirmation est une source de polémique, comment faites vous pour prendre en compte tous les points de vues ?
GPS : Je suis chercheur, je m’inscris dans une approche scientifique sans aucun militantisme. Pas besoin d’être d’accord ou pas d’accord pour chercher à comprendre et à expliquer.
Par exemple sur la question de l’élevage, il n’est pas question de renoncer à cette filière, on a besoin qu’elle contribue à la diversité des paysages et à l’entretien des terres mais il faut lutter contre la surconsommation de viande. De toutes façons si on ne veut pas limiter on y sera contraints.
On discute également avec les acteurs de la chaîne pour que la diminution des quantités permette une revalorisation de la filière. Il y a d’importants enjeux humains derrière ces changements.
Dans la forme de ce livre blanc nous avons été amenés à bousculer les esprits pour aider à faire prendre conscience de ces enjeux.
AD : Dans le chapitre protéines végétales , vous parlez des graines, légumes, légumineuses et céréales…
mais vous ne parlez pas des algues, des champignons ni des produits fermentés ?
GPS : En effet ce sont aussi des pistes intéressantes mais nous n’avions pas suffisamment d’acteurs disponibles dans cette activité ni de travaux de recherche en cours mais nos chercheurs sont intéressés par ces 3 directions. Ce sera peut-être, l’occasion d’une v.2 ou d’un prochain livre blanc : )
AD : Vous ne parlez pas de l’alimentation animale ? c’est pourtant comme ça que l’industrie de l’insecte se développe non ? Avant d’arriver dans nos assiettes ils arrivent dans les mangeoires des animaux que nous consommons.
GPS : Nous travaillons sur le comportement des consommateurs, sur la food et non sur le feed. Cela dit, il est interessant de regarder ce qui se passe dans l’univers des petfoods pour voir si les consommateurs sont davantage prêts à donner à manger des insectes à leurs animaux ou s’ils projettent leur propre dégoût…
AD : à propos du chapitre sur la viande cultivée : c’est souvent l’agriculture intensive qui est dénoncée, n’y a t-il pas un risque de voir se développer une culture intensive de la viande cellulaire, source d’autant de dérives que dans l’industrie actuelle ?
GPS : Effectivement, il y a deux camps de chercheurs qui s’opposent sur la question du bilan carbone de la culture de viande cellulaire. La législation est clé pour éviter les travers de l’intensification de l’élevage.
Au début on a observé beaucoup de levée de bouclier sur cette question de la culture cellulaire et on voit bien que certains lobbys ont tout fait pour ne pas y aller. Résultat on a pris un retard considérable en Europe qu’on ne parviendra peut-être pas à combler face aux 3 zones qui ont misé sur cette direction : Etats-Unis, Singapour et Israël.
Pourtant il n’est pas question de remplacer la viande mais bien d’étudier la faisabilité de cette production complémentaire. Ces changements vont prendre du temps et il faut faire de la recherche sur chaque alternative proposée, les acteurs de la filière auraient intérêt à planifier plutôt qu’à subir, accompagner plutôt que d’être dans la résistance.
AD : On entend souvent l’argument que la consommation de viande ne baisse pas, qu’il s’agit plutôt d’un déplacement de la consommation de bœuf vers le porc ou le poulet ?
GPS : C’est globalement vrai mais si on rentre un peu dans le détail on voit que toutes les générations ne sont pas aux mêmes stades de comportements. Beaucoup de personnes sont encore à l’étape de précontemplation, c’est à dire dans la prise de conscience, là où les plus jeunes passent à l’action.
Il y a donc un risque que les jeunes consommateurs se tournent vers d’autres acteurs.
Que ce soit pour des raisons écologiques, lié au bien-être animal ou tout simplement pour des raisons économiques les jeunes sont dans la déconsommation (dans la génération Z, 19% ont déjà adopté un régime sans viande). L’inflation va probablement amplifier le phénomène.
Merci à Gaëlle Pantin-Sohier pour cet éclairage et ce partage.
Vous pouvez télécharger le livre blanc en cliquant sur ce lien : Quel futur dans mon assiette ?
Cette interview fait suite au Foodtech Festival organisé par Start up Palace
Propos recueillis par Alexandre Durand – Pareidolies.fr pour direction-marketing.fr