ITW de Daniel BÔ de QualiQuanti

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Interview

Daniel Bô, fondateur et dirigeant de QualiQuanti, vient de publier un livre blanc sur le thème : comment l’intelligence artificielle transforme les études qualitatives ? il nous éclaire sur les possibilités et limites des nombreux outils qui viennent bousculer nos usages.

Daniel BÔ, fondateur et dirigeant de QualiQuanti

AD : A qui s’adresse ce livre blanc sur l’impact de l’IA dans les études ?

DB : Si j’en juge par les profils des inscrits pour recevoir mon livre blanc, je dirai que les instituts d’étude sont à fond sur le sujet. Par ailleurs, je note que les 40-60 ans sont particulièrement curieux du sujet sur le plan intellectuel. Dans la génération de mes enfants, ils l’utilisent toute la journée surtout s’ils peuvent avoir accès à une version payante.
Les responsables études chez les annonceurs sont intéressés mais ils sont souvent moins libres d’expérimenter. Un prochain événement va être organisé par l’Insights Hub de l’Union des marques.

AD : Tu as ajouté une partie plus théorique au début du livre. En quoi est-ce important pour toi ?

DB : En connaissant un minimum les fondamentaux de l’IA (en assistant à une formation de Frédéric Josué), on comprend mieux comment l’utiliser intelligemment. Le fonctionnement par token, l’IA statistique, l’analyse des liens distants qui permettent de comprendre un mot par le champ dans lequel il s’inscrit, le mécanisme autorégressif qui produit en fonction des éléments précédents, la transformation du monde en vecteurs avec la conversion de toutes les informations en nombres et en chiffres (texte, code, image, voix, musique, vidéo, 3D) sont des notions utiles à comprendre.

AD : Quelle est la fonction que tu utilises le plus, basé sur l’intelligence artificielle ?

DB : La dictée vocale et la retranscription et synthèse d’interviews. J’enregistre énormément de conférences pour en garder des traces écrites et retrouver les résumés automatiques. Pour les images, j’utilise volontiers Google Lens qui fait de la recherche inversée.

Plutôt que de chercher le prompt idéal, je fais réagir ChatGPT4 à différents stimuli (documents, listes, matière issue d’une question ouverte, premières recherches à enrichir, etc)

AD : Quels principaux bénéfices vois-tu dans ces nouveaux outils ?

DB : La faculté d’être augmenté dans le travail de recherche, de dialoguer de façon créative avec la machine. Je l’ai utilisé récemment pour compléter une liste de sujets sur une émission de société, pour passer en revue le champ d’évocation d’un mot, pour générer des signatures à partir de diverses sources. A noter que l’IA préfère le format texte (Word) au format slide (PPT). En effet, les enchaînements logiques sont beaucoup plus purs au format Word alors qu’ils sont hachés en PPT. L’IA est entraîné avant tout avec des textes (livres, articles, études). Il est logique que l’outil soit plus efficace en réagissant à des formats rédigés.

AD : Peux-tu donner de exemples d’analyses de textes ?

DB : Si je donne à lire un livre ou un document en pdf, je peux obtenir des inférences : l’IA va rendre explicite une information, approfondir une notion, documenter un résultat en s’appuyant sur les millions de livres lus pour s’entraîner.

Sur un sujet qui m’est cher comme la performativité des marques, je trouve intéressant de donner à lire une partie du livre Brand culture à ChatGPT4 pour lui demander un résumé et pour ensuite l’interroger sur ce sujet à partir de sa culture générale.

A partir de cet extrait transmis, voici le fruit d’un bref échange avec ChatPGT

AD : La promesse de gain de temps n’est-elle pas un piège ? As-tu identifié un risque à déléguer certaines missions à l’intelligence artificielle ?

DB : Je trouve que les échanges avec l’IA peuvent être très chronophages car pour obtenir certains résultats, il faut s’y prendre de différentes manières et multiplier les essais. Il peut faire gagner du temps sur certaines tâches mécaniques. Sur les tâches créatives, il permet d’enrichir la démarche à condition d’y passer du temps.

J’adhère au constat de Guillaume Durand concernant les fonctions clés : reconnaître, synthétiser, prédire, classifier, générer. Je ne vois pas de pièges dans toutes ces facultés.

Le principal inconvénient de l’IA c’est qu’il produit des textes dans des formats assez stéréotypés et reconnaissables. C’est surtout la limite en nombre de token qui empêche les analyses de grande ampleur et qui oblige à découper le travail en taches délimitées. Le Token est une unité élémentaire de texte dans le langage naturel. Chat GPT est bridé en nombre de tokens en entrée + sortie. Cela demande à travailler par questions successives.

AD : n’y a t-il pas une difficulté à vendre un service qui peut paraître se faire en instantané/automatique ?

DB : Les traducteurs ont de plus en plus de difficultés à vendre leur travail au prix fort. Ils sont invités à relire des traductions automatisées quand ils ne sont pas remplacés (voir article du Monde).

Dans les études, il faut pouvoir vendre des prestations hybrides en étant transparent sur l’usage de l’IA. De toutes façons, il faut vendre de la valeur ajoutée et quelque chose que le client ne sera pas en capacité de faire seul ou de façon automatique.

Chez QualiQuanti, nous défendons le Big Quali, méthode qui rend les études qualitatives plus riches et attractives au travers du numérique. À la clé : des échantillons plus importants (forums, communautés, veille sur les réseaux sociaux), des durées d’interrogation longues (jusqu’à plusieurs semaines) et des interactions enrichies par des logiciels, capteurs, smartphones, caméras, etc.

L’IA aide à traiter des données quali massives et diversifiées produites en coopération avec les consommateurs. Il peut servir à produire un résumé illustré d’une quantité d’observations et de vécu. L’IA nous permet de faire un quali toujours plus riche sans se noyer. Ca nous a aidé par exemple à analyser une vingtaine de podcasts dans une étude consacrée à l’influence.

AD : Dans un post récent tu parles d’intelligence créative augmentée. Peux-tu nous en dire plus ?

DB : QualiQuanti, qui a pour signature « creative intelligence » a publié en 2014 une série d’articles sur ce sujet.

L’intelligence créative réfute l’opposition traditionnelle entre l’intelligence, souvent perçue comme purement logique ou académique, et la créativité, vue comme le domaine de l’imagination et de l’innovation sans contraintes. Elle propose un modèle où ces deux facettes coexistent, s’enrichissent mutuellement, et conduisent à la créativité appliquée, où l’innovation répond à des besoins concrets.

L’intelligence créative augmentée représente une fusion entre les capacités cognitives humaines et la puissance de calcul de l’intelligence artificielle (IA), ouvrant de nouveaux horizons dans le domaine des études marketing et au-delà. Elle agit comme un accélérateur et un amplificateur de l’intelligence créative en :

  • Générant des Idées Novatrices : Par l’analyse de données et la reconnaissance de patterns, l’IA propose des associations et des idées inédites qui peuvent inspirer une créativité débridée.
  • Favorisant l’Innovation Pratique : En simulant des scénarios et en modélisant des solutions, l’IA aide à concrétiser les idées créatives dans des applications pratiques, répondant ainsi à la définition de l’intelligence pratique de Sternberg.
  • Enrichissant l’Expérience et la Connaissance : L’IA, par son accès étendu aux informations et son analyse, permet de s’appuyer sur une base de connaissances plus large, favorisant ainsi une créativité informée et pertinente.
  • Facilitant l’Analyse et la Réflexion : En automatisant l’exploration de données et la génération d’idées, l’IA libère les capacités cognitives humaines pour une réflexion plus profonde et une analyse plus nuancée des problèmes.

Merci à Daniel BÔ  de QualiQuanti . Propos recueillis par Alexandre Durand de Pareidolies

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Le sommaire :

Édito – L’intelligence artificielle au service d’un quali augmenté

I. UNE MÉMOIRE GLOBALE ET LOCALE
Accéder à une culture générale élargie
Constituer un capital intellectuel de recherches

II. LE TRAITEMENT DE DONNÉES À GRANDE ÉCHELLE
Tirer parti de la retranscription automatique (speech-to-text)
Exploiter plus de retours-consommateur
Interagir avec la caméra vidéo
Interagir via des agents conversationnels
Analyser les données non structurées à grande échelle

III. LE POTENTIEL DE CRÉATIVITÉ ET DE CONSEIL
Générer une diversité de pistes de travail
Démocratiser la création d’images

Conclusion : Prendre en compte les limites de l’IA