La farine est un aliment vieux comme le monde. On retrouve en effet les premiers outils permettant de moudre le grain dès le néolithique. Et pourtant, cette filière n’a jamais été aussi innovante. Il suffit de s’attarder dans un magasin pour le constater. Comment expliquer cette dynamique ?
Un contexte favorable à l’innovation
Le marché de la farine est mature et dominé par quelques intervenants. Sa croissance est faible (+ 1,5 % en volume, – 0,4 % en valeur à fin 2017) et génère peu de valeur ajoutée. Pour gagner des parts de marché, les intervenants pratiquent des politiques de prix très agressives. Face à ce contexte, l’innovation est un moyen de se diversifier et de créer de la valeur. Par ailleurs, la tendance actuelle est propice à l’innovation végétale. Différentes crises ont conduit à des prises de conscience relatives aux pratiques d’élevage et aux aspects écologiques. Cela a contribué à l’essor du végétal, de la filière biologique, ou de façon plus marginale, aux modes d’alimentation végétariens, végétaliens ou végans. En parallèle, les consommateurs, sensibilisés à la nutrition, diversifient leur alimentation et introduisent plus d’aliments végétaux porteurs de bénéfices santé. Parfois même, ils s’engagent dans les régimes « sans gluten ». Enfin, les consommateurs reviennent en cuisine. Curieux, ils aiment tester de nouvelles recettes, de nouveaux produits.
Conséquence directe : un marché qui se diversifie
Par le passé, les farines provenaient majoritairement du blé. Récemment, de nouvelles variétés sont utilisées pour les fabriquer : céréales (amidonnier, fonio, teff, kamut, sorgho, millet, …), tubercules (arrow-root, souchet), graines (chanvre, amarante, sésame, lin, quinoa, …) ou légumineuses (pois chiches, soja, lentilles, lupin, …).
Plus récemment, la farine de chia a également rejoint le segment, tout comme la farine de glands de chêne, autrefois, utilisée dans de nombreux pays européens. Elle réapparait sur le marché au sein d’un concept inventé par des étudiants Serbes à l’occasion du concours Ecotrophélia 2018 : Acornico. Il s’agit d’un mélange de poudres destiné à la réalisation d’entremets ou boissons.
Les spécialités se multiplient
Les spécialités se sont considérablement développées en conventionnel tout comme en bio ou farines sans gluten. On retrouve ainsi dans cette catégorie des préparations pour pains, brioches, pizzas, clafoutis, cakes… Ces concepts sont déclinés plus récemment en salé. C’est le cas de Panggies, un mélange de farines et de poudres de légumes destinés à la réalisation de crêpes ou pancakes. Panggies a été créé par des étudiants Néerlandais pour le concours Ecotrophélia 2018.
En France, les concours Innovafood et IDFood 2018 ont révélé un concept similaire : GreendOz’ (startup Dietemix), des préparations constituées à 70 % de poudres de légumes et de farines de légumineuses. Quatre « Potions » sont ainsi déclinées. Utilisées seules ou complétées de farines classiques, elles sont destinées à la réalisation de cakes salés.
Les farines fonctionnelles se développent
Les farines fonctionnelles sont très fréquentes en industrie. Ces farines ont subi différents types de traitements (mécanique, thermique, …) afin d’améliorer leurs caractéristiques technologiques. La farine de manioc ou la fécule de maïs sont des farines fonctionnelles. Plus récemment, elles sont rejointes en rayon par des farines précuites de soja, de quinoa, de kokkoh.
Différents spécialistes des farines (Limagrain, Inveja, Soufflet…) ont dernièrement développé des farines fonctionnelles de légumineuses destinées aux industriels (lentilles, pois, fève, haricots rouges, …). Ces dernières pourraient prochainement arriver en rayons si elles apportent un bénéfice notable au regard des contraintes d’utilisation des légumineuses.
Les déchets deviennent des farines à atouts nutritionnels forts
Les sociétés s’intéressent de plus en plus à la valorisation des co-produits. Il s’agit d’un sujet très porteur, qui bénéficie d’un double intérêt : vecteur de valeurs ajoutées et développement d’une image éco-engagée.
Bio Planete et La Tourangelle ont ainsi développé des farines réalisées à partir de tourteaux produits dans leurs huileries (sésame, arachide, pépins de courges…). Initialement destinés à l’alimentation animale, ces tourteaux valorisés en farine permettent de diversifier leur offre sur l’axe nutritionnel.
La société espagnole Eloya a également choisi d’explorer le potentiel d’un co-produit issu de l’industrie huilière : les graines de noyaux d’olive. Elle a ainsi élaboré une farine lauréate du grand prix spécial innovation lors du SIAL 2018. Riche en protéines (27 %) et en fibres (32 %), elle contient également des oméga 3, des composés phénoliques et terpéniques.
D’autres sociétés s’intéressent aux drêches de brasseries à l’image de la startup française Résurrection, de Beer food (Belgique), de ReGrained (Californie)… Elles ont conçu des produits à base de farine de drêches, riche en protéines, fibres, vitamines et minéraux. Ces bénéfices pourraient être porteurs auprès des consommateurs si la farine était vendue en l’état.
De son côté, Renewal Mill commercialise une farine fabriquée à partir de pulpe issue de la production de boisson de soja. Elle s’inspire d’un aliment traditionnel en Asie : l’Okara, utilisé en substitution totale ou partielle de la farine dans des préparations pâtissières.
Et parfois même, le pain redevient farine. Comment ça ? Grâce à la startup Kolectou, et sa gamme Tadaam !, des préparations pour cookies, moelleux et muffins ou cakes salés réalisées à partir de surplus de pains produits par des boulangeries. Proposées en B to B auprès de la restauration collective, et en B to C dans les paniers Foodette, elles arrivent également dans le réseau d’épiceries vrac Day By Day dès janvier 2019.
Et demain ?
Cet article montre à quel point il est toujours possible d’innover dans la filière farines. Et demain ? De quoi sera fait l’avenir de cette filière ? Différents axes de travail sont possibles comme la prémiumisation, les circuits courts, la meilleure valorisation des atouts nutritionnels, l’identification de variétés anciennes ou exotiques (riz noir, kaniwa, freekeh), l’exploration du potentiel des co-produits ou du monde marin, tout comme le transfert de technologies, ou la mise au point de nouveaux process. Et du côté des packagings ? En la matière, les innovations sont rares. Et pourtant, le potentiel est là ! Il serait temps de se mettre à la place des utilisateurs pour trouver des conditionnements plus pratiques, assurant une meilleure protection du produit une fois l’emballage ouvert, le tout en respectant l’environnement, évidemment !
1 : Iri, CAM au 25 février 2018, tous circuits