Ecosol aide les entreprises à réfléchir et lancer des plans d’action d’éco-conception, intégrant circularité et bas carbone.
SQ : Peux-tu nous présenter brièvement la structure que tu as créée : Ecosol ?
CT : Ecosol accompagne les entreprises en transition environnementale, avec une mission clé: comment concevoir l’offre adaptée à un monde sous contraintes fortes?
Le constat commun aux approches de décarbonation, d’éco-conception et globalement de transition est la réalité d’une disponibilité de ressources matérielles faibles avec des besoins humains en augmentation. Notre conviction : incorporer dès maintenant, dans la démarche de conception et de mise sur le marché, des contraintes fortes qui marqueront l’ADN du projet et seront facteurs de réussite. Anticiper donne des avantages concurrentiels majeurs et une meilleure maîtrise des risques et coûts.
SQ : On parle souvent d’éco-conception, d’économie circulaire, d’ACV… A quoi cela sert-il ?
CT : Au quotidien, l’accompagnement Ecosol passe tout d’abord par l’évaluation d’une situation de départ (avec des calculs d’impacts si nécessaires, comme des diagnostics quantitatifs carbone et des analyses cycle des vies – ACV multi-critères-, qui mettront des chiffres précis sur les impacts environnementaux, mais aussi des analyses de risques et de concurrence en terme environnementaux).
Puis, la phase de formation et d’inspiration permet de construire, en intelligence collective avec les équipes, des objectifs de transformation de l’offre, produit ou service. C’est là que la bonne compréhension de ce qu’est l’économie circulaire (la valorisation matière à son plus haut degré, si possible restoratif), et aussi de l’éco-conception (une conception de biens et services qui intègre la minimisation d’impact à chaque niveau) sont vitaux.
Nous travaillons pour cette partie sur des ateliers créatifs guidés, avec l’outil Circulab (réseau d’Economie Circulaire dont Ecosol est membre depuis 2016).
C’est un travail très complet depuis le diagnostic jusqu’à la validation de feuille de route et de la mise en action. Et on ne lâche rien pour que la dynamique se mette en place !! Si on compare l’entreprise à un bateau, c’est comme si on vérifiait le navire, la météo, on préparait la route et on équipait bateau et navigateur en fonction de celle-ci. Quitte à rester à bord les premiers temps en soutien ponctuel.
SQ : Qu’est ce qui fait qu’une mission est réussie selon toi ?
CT : Quand le vaisseau est parti et qu’il a gardé son cap malgré les coups de vents. Que les dirigeants ont une vision claire et des outils de pilotage et les équipes sont autonomes et fières de leurs avancées.
Je le ressens dans quasiment toutes les missions, mon angle étant l’explication et l’accompagnement (je suis responsable de modules d’enseignements en éco-conception, économie circulaire et approche bas carbone depuis 2010, à Nante spar exemple en Master et MBA à Audencia, en Innovation Durable à l’Ecole Centrale de Nantes, et dans le Parcours RSE du Comité 21 Loire Atlantique). Le plus frappant étant le cas d’entreprises qui démarrent dans l’approche et s’emparent d’autant plus des résultats de départ, réalisant leur impact réel global, et mettent de gros efforts en œuvre pour démarrer le plan d’action. Je l’ai vécu sur les projets Terre de Marins et Para’kito. Avec des réactions fortes de dirigeants comme chez Armani par exemple. Le projet commun d’éco-conception de mobilhome pour des équipes mixtes Louisiane et Maéva a permis, dans un timing serré, la sortie d’un pilote à l’heure actuelle dans un camping breton, une belle efficacité. Avec l’équipe d’Héléna Rubinstein, sur les trois dernières années, s’est établi un travail complice avec les équipes, marketing, conception des soins et RSE pour améliorer les différents volets constituant un soin en cabine (produits, routine de soin, linge, cabine…) : un travail très enrichissant de concertation sur les besoins, de propositions d’amélioration, parfois même d’aide à la mise en action. Grande satisfaction également dans l’aide à Bioseptyl, fabricant français de brosse à dent, qui a appuyé son argumentaire de bonus environnemental pour ses référencements de produits rechargeables et en bois face au bambou. Aider à démontrer les atouts de transition d’une offre, tout en les améliorant, fait aussi partie des missions qui nous tiennent à cœur.
J’aime aussi faire équipe avec des designers pour coréfléchir puis valider l’éco-conception de leur travail, comme pour le cabinet Apanache et leur travail sur différentes marques du groupe L’Oréal. Et pour finir, toujours passionnant pour moi d’être intégrée en amont dans la stratégie de concept ou d’innovation, avec de très belles aventures comme les marques NoCoé et Necense, Para’Kito et Aroma’kito et la réflexion stratégique de fléchage environnemental de certaines gammes BricoMarché et Bricorama.
SQ : Qu’est ce qui a particulièrement contribué à transformer un de tes clients dans ses pratiques ?
CT : L’inspiration (donner des étincelles de « possibles » dans les yeux de l’équipe) et la mise en capacité (expliquer, accompagner) sont clés.
Cela veut dire pour moi proposer un guidage discret mais ferme : savoir écouter la direction, et ses objectifs et craintes, les équipes et tous les challenges de changement du quotidien! Chez Terre de Marins, je crois que ce sont les inspirations de propositions textiles et nos nombreux échanges avec l’équipe, appuyés ensuite par des simulations d’impacts pour les options d’éco-conception, qui ont permis de belles avancées.
En matière de transition de l’offre, il y a toujours une étape de test, on prend la température du marché, on teste de nouvelles filières, procédés… C’est aussi un facteur déterminant de réussite : bien dimensionner et programmer son évolution.
SQ : Quelle sont les habitudes de tes clients qui sont les plus difficiles à faire bouger ?
CT : Un frein à la transition, pour des PME: le poids des investissements déjà réalisés, en cours d’amortissement, qui réduit le champ des possibles. Pour de structures plus grandes : faire avancer tous les composantes et équipes ensemble d’un même élan !
Les démarches d’écoconception et de transformation sont souvent vues comme un coût alors que cela permet de rendre l’entreprise plus robuste et mieux la préparer aux turbulences. Etant référencée experte Bpifrance pour les DIAG Eco-conception et DécarbonAction, plus de 50% de leurs démarches peuvent être financées, une vraie aide pour les PME !
SQ : Le plus important de ton point de vue qu’il reste à parcourir sur le chemin de la régénération au niveau des entreprises ?
CT : La transition environnementale, c’est comme un escalier avec une première marche « facile » : optimiser l’existant (la durée de vie, les matériaux, les approvisionnements…), puis une seconde avec l’innovation (de produits et services) qui permet des progrès d’impacts plus forts. La 3ème marche, plus ambitieuse, place toute l’entreprise dans une réflexion de changement de business model: comment utiliser significativement moins de ressources dans notre activité tout en dégageant des profits (modèles d’économie de la fonctionnalité par exemple, de la location, etc…), s’adapter à un monde sous contraintes ?
La 4ème marche, c’est le graal absolu pour pouvoir faire machine arrière et espérer inverser le déséquilibre majeur infligé au vivant : contribuer à le régénérer.
On y retrouve les règles de base de l’économie circulaire : pas de ressources non renouvelables, des pratiques non toxiques, un bouclage complet des ressources… Le but est de laisser la biosphère la plus tranquille possible, en réduisant nos impacts et la toxicité au strict minimum tout en réfléchissant à comment sortir de la logique volumique. Il faut changer de paradigme. Cela me fait penser au wuwei de la philosophie chinoise, la philosophie du non agir. La régénération, c’est vraiment le graal, et on ne pourra l’atteindre qu’avec une réflexion profonde de nos priorités, et quand un maximum de filières auront pu atteindre la marche numéro 3…
Propos recueillis par Stéphane Quidet – Inspire
Notre regard
Dans un monde où les limites planétaires tombent les unes après les autres, le témoignage éclairant de Catherine nous rappelle combien la démarche d’eco-conception devient un outil indispensable à intégrer pour les marques afin de diminuer les externalités négatives tout au long du cycle de vie d’un produit, bien, service.
En filigrane, la sortie d’une logique volumique peu compatible avec ces frontières qui conditionnent l’habitabilité de notre planète se pose, tout comme les changements de business model qu’il nous faudrait opérer.
Chez Inspire, en tant qu’agence à la croisée des études de marché, de l’innovation et de la stratégie, nous accompagnons les marques dans ce travail d’alignement entre leurs enjeux, ceux des citoyens et de la planète.